LE SENS PROFOND DE NOEL.

Les semaines avant Noël, notre société est, une fois de plus, incitée à acheter. Consommer est le maître mot et nos boîtes à lettres regorgent de prospectus, de publicités de toute sortes, pour nous présenter d'innombrables objets utiles ou inutiles. Journellement les sites sur internet nous submergent d'offres de toutes sortes. Tout le monde est convié à la grande fête de la consommation...sauf évidemment tous ceux qui n'en ont pas les moyens...La crise sévissant un peu partout, avec son lot de chômage, le nombre de défavorisés s'en va croissant. Alors il y a ceux qui ont encore le privilège de participer à la grande foire des cadeaux à offrir et à recevoir, et tous ceux qui n'ont de ressources que celles dispensées par les restos du coeur, les compagnons d'Emmaüs ou d'autres institutions caritatives. Noël serait-il réservé à une société seulement capable de consommer? Est-ce là le véritable sens de Noël et en avons-nous perdu la signification profonde? L'origine de la fête de Noël est d'origine religieuse, chrétienne. Une littérature abondante existe, pour tous ceux qui s'intéressent à l'historique de cette date. Peu importe...Ce qui peut susciter notre intérêt, c'est le sens, le mythe véhiculé par la célébration de cette fête toute particulière. Quelles sont les images mises en scène par l'histoire de Noël? Il en existe une multitude. En voici quelques unes choisies dans l'évangile de St-Luc: *Marie est enceinte...La date de la délivrance est proche et, obligée pour un recensement, d'aller à Bethléhem avec Joseph son mari, ils frappent à diverses portes pour trouver un gîte. Partout on les repousse. Finalement ils trouvent un refuge dans une grotte servant d'étable où Marie met au monde son fils Jésus. Cette scène n'évoque-t-elle pas la condition de millions de personnes de par le vaste monde, qui frappent à des portes qui ne s'ouvrent pas? Qui sont abandonnés dans la rue... N'est-ce point là l'évocation de la fraternité humaine refusée aux défavorisés, aux pauvres? *Les bergers avec leur troupeaux...C'est à eux en premier que la bonne nouvelle de la naissance du messie est annoncée par l'ange...Une multitude d'autres anges se joignent à cette révélation et proclament "paix sur la terre aux hommes de bonne volonté!"... Une image qui montre que "l'intelligence du coeur est bien supérieure à celle de la seule raison." A mettre en parallèle avec les paroles du petit prince de St-Exupéry qui expriment que l'on ne voit bien qu'avec le coeur... Quant à la paix dans le monde: la bonne volonté des hommes n'est-elle pas un préalable absolu pour la construction d'une paix durable dans le monde? L'enlisement du conflit entre israéliens et palestiniens n'est-il pas le triste contre exemple de ce que dicterait la seule sagesse et l'effort de compréhension mutuelle? *Un autre Jésus nous est présenté dans l'évangile de St.-Matthieu. On n'y mentionne point l'histoire des bergers qui ont la vision d'anges. Par contre on y évoque la venue des mages d'Orient qui disent: "nous avons vu son étoile en Orient et nous venons l'adorer"...Le roi Hérode frémit à la nouvelle de la naissance d'un futur "roi des juifs" et va essayer de tuer son potentiel rival, en ordonnant le massacre des tous les nouveaux nés: ce sera le massacre des innocents. Quelle image insupportable! des enfants innocents sacrifiés au nom de la domination, de la lutte pour le pouvoir...Ces massacres ne nous rappellent-ils pas des abominations de notre époque? L'extermination des juifs sous le règne de Hitler a ainsi causé un nombre incalculable de morts d'innocents. Plus proche de nous, que de guerres inutiles, fratricides, que de génocides, pour accéder ou garder le pouvoir... *Comme polarité par rapport aux funestes tableaux évoqués plus haut, se pose l'image apaisante des trois mages d'Orient. Une fausse représentation populaire les décrit comme les "trois rois" qui offrent en présents à l'enfant Jésus, de l'or, de l'encens et de la myrrhe. En fait, ils sont symboliquement les rois d'une toute autre richesse: celle du savoir. Ce sont des savants, astronomes et astrologues. Ils sont versés dans toutes les connaissances disponibles à cette époque. Leur puissance ne s'appuie pas sur des armes de guerre, sur la domination physique sur les autres, mais sur des réalités spirituelles: la suprématie du pouvoir de l'esprit sur celle de la seule réalité matérielle, physique. Leurs présents symbolisent sous leur aspect purement matériel, des réalités d'ordre spirituel. L'or, l'encens et la myrrhe : que représentent-ils? Selon la tradition ésotérique et mystique, l'or évoque la lumière solaire qui donne la vie. Il symbolise aussi la puissance de la pensée qui seule peut apporter la connaissance et l'éveil à la conscience. Ce présent n'est-il pas hautement évocateur, en nous rappelant que cet enfant devenu le Christ-Jésus, dira: "je suis la lumière du monde" et "je suis la voie, la vérité et la vie"... L'encens a aussi une signification profonde: c'est lui que l'on répand lors de célébrations religieuses. Il évoque le sentiment sublimé, "parfum de sainteté" qui chasse tout ce qui est impur, inhumain. C'est l'image de la piété, de la véritable dévotion, du sacré, de Dieu, de la transcendance. Et enfin la myrrhe. Elle est l'image de la volonté, celle qui s'engage pour faire avancer la société humaine, la faire évoluer. C'est elle qui seule, parvient à innover, créer, traduire l'idéal dans la réalité concrète. Les trois mages offrent au petit être en devenir, le petit enfant encore vierge de tout avenir, les attributs, les potentialités, que tout être humain porte en son âme et qui lui permettent, à l'avenir, de donner un sens à sa vie et de se transformer, d'évoluer, et par là contribuer à changer le monde dans lequel il vit. Le petit enfant qui reçoit l'hommage des sages, est celui qui porte en lui l'avenir de chaque être humain, de l'humanité entière. Il peut devenir notre modèle, si nous le voulons. Mais cette "imitation" proposée n'est nullement une contrainte, elle est un "projet d'avenir" qui ne peut se construire que dans la liberté et dans l'amour. Cet or, cet encens et cette myrrhe, nous l'avons tous en notre âme, en notre vie intérieure: c'est notre capacité de penser, de ressentir et d'agir. En agissant de plus en plus consciemment sur ces trois forces, nous pouvons arriver à mieux comprendre les êtres et les choses, à mieux écouter ce que notre coeur nous dit et à influer sur les évènements d'une manière volontaire pour construire un monde plus juste, plus humain, plus respectueux de la vocation et de la dignité de l'autre. Si nous arrivons à intérioriser les magnifiques symboles que nous propose le véritable Noël, cette fête prendra vraiment des couleurs nouvelles, pour petits et grands. Les belles images évoquées dans les évangiles de Luc et de Matthieu ont été reprises dans une iconographie somptueuse à travers toutes les époques. Les plus grands peintres, sculpteurs ont su retrouver une âme d'enfant pour illustrer le merveilleux qui se cache derrière la fête de Noël. Ce temps d'hiver froid, neigeux, est une bonne occasion pour essayer de retrouver, dans un monde souvent dur et inhumain, notre véritable identité, en feuilletant par exemple un livre d'art pour rêver sur de belles reproductions évoquant la nativité. Pour quelques moments privilégiés, retrouver notre âme d'enfant, faire notre propre bilan de vie, dissocier l'essentiel de l'accessoire. N'oublions pas que pour les enfants, Noël devrait aussi être un moment privilégié, pour qu'ils puissent puiser dans leur coeur, dans un avenir lointain, le souvenir des noëls de leur enfance. Ces noëls ne seront pas spécialement précieux s'ils ne consistent que dans la souvenance de l'accumulation d'objets parfois laids proposés par une technique au service du consumérisme et dont la seule raison d'être est la recherche du gain...Un beau livre de contes, un mignon petit ours en peluche, une belle poupée à cajoler, des jouets en bois laisseront, pour les très jeunes enfants, des souvenirs impérissables. Mais ce qui restera toujours essentiel, c'est "l'atmosphère de Noël": un temps privilégié pour mieux se rencontrer, prendre le temps pour mieux s'écouter, mieux se comprendre. Le plus beau des cadeaux n'est-ce point de pouvoir aimer et d'être aimé? Tout être humain qui se sait aimé, est valorisé par l'autre, connaît un sentiment de bonheur, de sécurité. Il sera par là aussi mieux armé pour affronter les difficultés de la vie quotidienne. Noël est la fête de l'amour, l'amour sous toutes ses formes, s'exprimant par la tendresse, l'attention à l'autre, la main tendue. Une parole de consolation, une écoute patiente, une aide psychologique ou matérielle. Un service rendu, une petite attention, un petit présent pour une personne seule, malade, peuvent redonner un éclat à des regards tristes et être les plus précieux des cadeaux de Noël. Notre société matérialiste a pris une mauvaise route, en croyant que les biens matériels, le confort, la richesse sous toutes ses formes seraient capables de combler le coeur humain et de lui assurer le bonheur. Elle a souvent oublié que l'être humain n'avait pas seulement des besoins matériels, certes essentiels pour son existence physique, mais aussi, sinon encore plus, des besoins spécifiquement humains: avoir sa place dans la société humaine, y être reconnu pour ses aptitudes, ses idées, sa créativité, y recevoir l'aide et l'amour qui l'aident à vivre. Noël est de nos jours souvent ravalé à n'être qu'une tradition concrétisée par des sapins ornés de couleurs et de lumière, des pères Noël lumineux qui grimpent aux façades ou ceux des supermarchés distribuant quelques bonbons aux enfants. On ne sait plus que cette fête n'aura de sens que si elle arrive à faire briller la lumière dans chaque coeur humain, apporter la fraternité aux êtres humains. Les images et symboles de Noël concernent toute l'humanité: l'appel à la paix, à la fraternité, à l'amour pour les autres...Est-ce là une pure utopie, un idéal irréalisable, un rêve naïf ? Et si nous pouvions retrouver pour ce temps privilégié de Noël notre âme d'enfant ouverte au merveilleux où tout est possible? Nos rêves sont-ils irréalisables ou les avons-nous perdu en cours de route? Ne sommes-nous tous au départ tels des bergers qui cherchent leur étoile qui sera leur avenir? Les bergers de l'évangile portent en eux une valeur essentielle: le sens du merveilleux et l'intelligence du coeur. Cela leur suffit pour comprendre que la richesse d'un être humain réside dans sa capacité d'aimer, de s'ouvrir aux autres. Les vérités profondes ne peuvent être perçues qu'à travers les yeux de l'âme, la logique du coeur. Les mages venus d'Orient pour offrir à "l'enfant" l'or, l'encens et la myrrhe, nous disent que grâce à notre pensée, notre coeur et notre volonté, nous pouvons contribuer à réaliser nos idéaux, si nous nous engageons avec foi et persévérance. Le message adressé il y a deux milles ans, "aux hommes de bonne volonté", ce magnifique hymne de paix et d'amour, cet appel à la solidarité humaine garde toute son actualité. Il ouvre les portes d'un espoir nouveau, d'un avenir plus serein, plus beau, plus humain...Faisons ce rêve de Noël et essayons de contribuer à le réaliser, jour après jour. Noël sera alors pour nous un éveil à notre vocation humaine profonde.