[FONT=O Variations sur le thème :
« Donner un sens à sa vie… »
Les expressions populaires sont souvent porteuses, sans que l’on ne le saisisse immédiatement, d’un sens profond et d’une grande sagesse. Mais souvent, dans la vie quotidienne, ces expressions sont formulées comme des automatismes verbaux dont on ne creuse pas la véritable signification. Qui n’a, par exemple, au cours de sa vie, lu, entendu ou dit : « il faut donner un sens à sa vie »…Que signifie cette courte phrase ? De prime abord elle signifierait que la vie par elle-même n’aurait pas de sens ! Cela apparaît immédiatement comme une absurdité évidente, car sans la vie, nous ne serions pas, nous n’existerions pas ! Alors que peut-on bien vouloir sous-entendre par « donner un sens » ?
Le terme « sens »peut avoir diverses significations, diverses connotations. Ainsi « donner un sens à sa vie » pourrait exprimer l’idée de vouloir trouver et comprendre la raison d’être de la vie, de « notre vie ». Qu’est-ce que la vie ? Pourquoi mon être est-il tributaire de la vie ? Mon être ne s’inscrit-il que dans les limites définies par la vie elle-même ou dépasse-t-il cette frontière ? La définition de mon être se réduit-elle à n’être qu’une des expressions de la vie qui dépasse tout cadre individuel ? Quelle est ma raison d’être ?
Le terme de sens est toujours relié à la nécessité de connaissance. Ne dit-on pas que l’homme, normalement, est doté de cinq sens par lesquels il a un accès au monde qui l’entoure ? Sans ces sens il n’aurait nulle connaissance du monde physique dans lequel il vit. Par conséquent, ces cinq sens contribuent aussi à donner un sens à sa vie ! Mais ces « aptitudes » nous sont tellement inhérentes, qu’elles ne nous sont pas toujours conscientes…sauf si l’un de nos sens nous fait défaut ! Une prise de conscience immédiate sur cette réalité devrait nous animer d’une grande gratitude de ce « cadeau » de la vie, devrait nous réjouir et déjà, dans un premier temps aussi donner « du sens à notre existence »…
Mais le terme de sens est encore associé autrement à l’être humain. Ainsi parle-t-on du « sens commun », où l’on sous-entend que tout être humain normal peut comprendre immédiatement et sans effort certaines choses, certains évènements. Ce qui « tombe sous le sens » signifie que cela prend le caractère d’une évidence pour tout homme, sans qu’il y ait le besoin d’explications complémentaires. Mais le sens commun suffit-il à donner du sens à ma vie, à chaque vie individuellement ? L’expérience quotidienne nous prouve que non : la valeur de l’existence humaine, si l’on veut sortir de la théorie, est toujours définie subjectivement car l’appréciation reste purement individuelle.
L’expression « donner un sens » peut aussi signifier indiquer une direction, s’engager sur une route choisie.
Cela suppose un choix vraiment personnel basé sur une réflexion préliminaire. Pour cheminer, on ne peut s’engager dans « des sens », cela serait impossible et absurde. Certes, on peut éventuellement en cours de route prendre un autre sens ou un nouveau chemin…Le risque étant, qu’à force de changer trop souvent de « sens » on tourne en rond et on n’aboutit nulle part !..Ce qui est certain c’est que la direction que je vais emprunter découle de mon choix. Prendre une direction implique de savoir où l’on se trouve et où on veut aller. Pour l’être humain ces questions et les réponses qu’il y donne sont déterminantes. Pourquoi ? Parce que « donner un sens à sa vie » induit des questions essentielles :
1) quelle est ma place dans la vie, où suis-je ?
2) Qui suis-je ? D’où est-ce que je viens ?
3) Où est-ce que je vais ? Je sais que tous les hommes sont mortels…La mort physique est-elle la fin de « l’aventure humaine » ?
Ma réflexion première sera donc axée sur la place que je tiens dans la vie (cadre environnemental, social, culturel, religieux ou laïc, politique etc.. et la fonction, ma raison d’être là où je me trouve). Pour connaître l’origine de mon être, cela devient bien plus compliqué. Deux options s’offrent à moi : soit je me limite au cadre matérialiste, physique, perceptible ou je choisis un cadre autre, d’ordre spiritualiste ou religieux traditionnel. En toute logique, le choix que j’aurais fait déterminera pour moi, mon futur, tel que je l’imagine…
Qu’est-ce que cela signifie pratiquement ? Pour un matérialiste, pour lequel la seule réalité est physique, pour le scientifique actuel qui s’inscrit dans la même vision, « donner un sens à sa vie » revient à profiter de la vie, qui impose sa propre dynamique. Le monde physique se définit par des lois dont les scientifiques, au fil du temps, ont découvert les mécanismes. Tout se définit dans une logique de cause à effet analysable : tout est déterminisme. Et l’être humain s’inscrit dans cette logique. Certes il pourra avoir, grâce aux sciences, la possibilité d’agir éventuellement sur les mécanismes de la vie par la médecine, l’hygiène de vie etc. mais l’homme, réduit à sa dimension physique, est soumis aux règles inhérentes à la nature humaine . Sous la vision matérialiste, l’être vivant est le fruit du « hasard et de la nécessité » (Monod) qui sont les moteurs de l’évolution sur terre. Pour l’individu, cela signifie que sa vie physique (seule réalité pour le scientifique) sera toujours déterminée par ses gènes, par l’hérédité et conditionné par l’environnement géographique, social, parental etc. Si l’individu a la « chance » de ne pas être victime d’une famine, d’une guerre, d’un accident, d’un cataclysme, ce seront ses gènes qui détermineront les maladies qu’il aura à subir, la durée de vie probable.
Dans ce cadre de non liberté tracé par la vision matérialiste, le seul « sens de vie » possible sera celui inscrit dans une « jouissance forcenée de la vie », selon l’adage : on n’a qu’une vie, il faut en profiter pleinement...En occident cela se traduit essentiellement dans une frénésie de consommations sous toutes les formes. Aucune transcendance n’étant envisageable, l’idée d’une éthique devient symbolique : morale épicurienne ou encore « morale citoyenne » réduite pour proposer un minimum « d’art de vivre ».
La vision spirituelle ou religieuse introduit d’autres critères, car elle présuppose une finalité de la vie, un sens de la vie. Sous cette optique, l’être humain est « créature » d’une puissance transcendante appelée communément Dieu. L’être humain n’est plus le fruit du « hasard », mais l’œuvre d’amour de Dieu, qui s’exprime à travers lui. L’homme a été créé volontairement et dans un but précis. Cette approche relève du domaine de l’intangible. C’est le domaine de la religion, de la croyance, de la foi. Les religions sont propres à toutes les cultures, présentes et passées. L’appartenance d’un individu à une religion qui s’inscrit le plus souvent dans une tradition, un cadre familial, une culture précise, lui impose des règles de vie, de comportements dans une volonté affirmée de respecter les lois divines. Cela pour s’assurer la protection de Dieu et pouvoir espérer en une vie éternelle.
Cette vision confère à la vie de tout être un « sens » dans toutes les acceptations du terme : elle répond à ses questions sur ses origines, sa raison d’être, ce que doit être son comportement dans la vie et le but à atteindre. La vie devient une aventure formidable où une infinité de choses et d’évènements sont à découvrir, où l’être humain vit au sein d’une humanité où il peut apprendre à connaître les autres et par là aussi réfléchir sur la nature de sa propre identité. On comprend aisément que la représentation du sens de la vie proposée par une religion est bien plus séduisante, plus intéressante car elle « donne un sens » à la vie. Cela nourrit nos espérances et nous aide à supporter les épreuves que peut apporter une vie sur terre. Cela explique dans une large mesure, que les individus qui adhèrent à une croyance, une foi, sont mieux armés pour affronter la vie.
Le seul problème est qu’une foi ne se décrète pas, ne s’impose pas, car il s’agit d’une représentation, d’une conviction toute subjective, toute personnelle. De ce fait même elle est aléatoire, irrationnelle et irréaliste pour toute personne animée d’une vision scientifique ou matérialiste. Les sociologues verront dans le choix religieux un moyen d’échapper à l’angoisse existentielle inhérente à la condition humaine : l’être humain s’invente une transcendance pour se rassurer, pour pouvoir espérer échapper à la fatalité de la mort inscrite dans ses gènes.
La vie a-t-elle un sens ? Dans le tumulte et les astreintes de la vie quotidienne, peu de gens se pose cette question. On est entraîné dans le tourbillon des problèmes de toutes sortes qui nous assaillent et qui nous obligent à chaque instant de nous concentrer sur l’immédiat. En général, l’individu ne s’interroge que lors d’évènements très graves auxquels il doit faire face. Si tout va bien, la vie se conjugue facilement avec des connotations de joies, de plaisirs, de jouissances. Lors d’épreuves, notre vie peut très rapidement perdre tout sens. Les conséquences immédiates se nomment souvent dépressions voire suicides. Il suffit de consulter les statistiques effrayantes qui prouvent qu’une large proportion de notre population, tous âges confondus, est victime de ce sinistre phénomène. On est confronté ici à un symptôme évident des malaises de notre société actuelle : une vie dénuée de sens pousse l’individu à son autodestruction.
Le sens de la vie, tel que nous l’avons évoqué plus haut, ne peut être décliné, apparemment, que selon deux approches : la vision matérialiste (scientifique) basée sur la réalité physique ou la vision religieuse (irrationnelle) basée sur la croyance, la foi. Cette dernière est complètement subjective et par là, hypothétique. Le scientifique peut « prouver » (c. à d. soumettre à l’expérience accessible à tous) ce qu’il affirme. Le croyant ne peut rien prouver : la foi qu’il s’est construite lui suffit comme « preuve ». En prenant de la hauteur, on pourrait affirmer : le scientifique ne peut prouver que le monde matériel, dans l’absolu, est la seule et l’ultime réalité envisageable et le croyant ne peut prouver que sa croyance en un monde spirituel est fondée sur une réalité…Alors que penser ?
Science et religion sont-elles antinomiques et irréconciliables ?
Le grand penseur, philosophe et visionnaire Rudolf Steiner (1861-1925) affirme que cela est possible. Comment ? Il décrit dans un de ses ouvrages intitulés « Comment acquérir des connaissances sur les mondes supérieurs ? » par quelles expériences chaque être humain peut accéder, en pleine conscience, à la connaissance « des mondes supérieurs », appelés communément « le monde spirituel ». Selon lui, le monde matériel physique n’est qu’une partie d’un ensemble infini situé dans des mondes suprasensibles dont l’accès n’est possible que sous certaines conditions qu’il décrit avec la plus grande précision. L’existence d’un monde spirituel ne peut, vu sa consistance, être vérifiée, prouvée, à l’aide des mêmes instruments que ceux qui s’appliquent au monde matériel. L’expérience de l’existence de « mondes » autres que terrestres ne peut être « démontrée » du dehors, elle doit être vécue –individuellement- du dedans. Celui ou celle qui a accédé par sa propre expérience au monde spirituel, n’a plus besoin d’une preuve, puisqu’il s’agit d’un vécu personnel.
Cette expérience du suprasensible est possible grâce à la faculté du « penser humain ». Cette possibilité n’est pas limitée au contexte physique, matériel, mais peut, sous certaines conditions, s’étendre au-delà pour accéder à la connaissance des « mondes supérieurs » qui sont les racines véritables du monde physique auquel nous appartenons. La pensée humaine peut encore aller au-delà de l’expérience de Descartes, du « cogito, ergo sum » (je pense, donc je suis) : analyser la nature des « idées » que perçoit ma pensée, chercher ce que « réfléchir » signifie. Qui est ce « je » qui pense ? Est-ce le « moi » qui crée les pensées ou ma « réflexion » n’est-elle que le reflet d’une réalité non physique… spirituelle ? Faire peut-être l’expérience « spirituelle » de mon être profond, de mon identité véritable. Il va de soi que, si l’expérience individuelle de sa propre nature spirituelle et de l’existence du monde spirituel est accessible à l’être humain, cela peut « réconcilier science et religion ». Cela démontrerait que la science, sous certaines conditions, peut étendre son champ d’investigation bien au-delà des réalités matérielles, jusqu’à accéder au monde spirituel. C’est ce que Rudolf Steiner a fait en initiant « la science spirituelle » (Anthroposophie). Les fruits de ses recherches qui se sont étendues à tous les domaines de la vie, ont été exposés par lui dans des centaines de conférences, des livres (plus de 450 titres tous disponibles à ce jour et traduits dans beaucoup de langues). Les recherches que Rudolf Steiner a effectuées au sein du monde spirituel, l’ont confronté à l’existence d’êtres spirituels dans ces sphères. L’entité la plus importante pour l’être humain est celle qu’il est convenu d’appeler le Christ, le Logos, le « Fils de Dieu ». Le Christ que décrit Rudolf Steiner, à travers son immense œuvre, est infiniment plus « cosmique » que celui présenté habituellement au sein des religions chrétiennes. Le Christ est l’initiateur, l’accompagnateur, le « sens » de l’être humain : le Christ porte le « projet humain » à travers toutes les cultures, tous les âges, vers une plénitude. L’homme s’inscrit dans un « devenir » constant et au travers de ses incarnations successives. Il parcourt ainsi toute l’histoire humaine, élargissant sans cesse son niveau de conscience, participant à la grâce divine, pour devenir toujours plus libre, plus conscient de ses responsabilités, des devoirs inhérents à sa propre nature spirituelle et son appartenance à la famille humaine toute entière.
Il devient évident que si on s’inscrit dans une « initiation » telle que Rudolf Steiner la propose à tout homme, l’autoéducation individuelle portée par la grâce divine, les nouvelles connaissances acquises peuvent, dans cette perspective, répondre à nos questions existentielles : qui suis-je ? Quelles sont mes origines ? La réponse à ces deux questions induiront logiquement les réponses à mes autres questions : quel est le sens de la vie ? De la mort ? L’immortalité est-elle réaliste ?
Faut-il donner un sens à notre vie ? A cette question, chacun(e) devra répondre individuellement, en toute liberté. Si je n’éprouve pas la nécessité de cette démarche, c’est que j’estime que la vie telle qu’elle est, suffit à ma curiosité et à mes besoins. Ceux et celles qui disent qu’il faut donner un sens à leur vie s’inscrivent dans une autre démarche : quelque chose en eux les poussent à vouloir comprendre le sens de leur existence qui, de par la nature physique de leur constitution, est forcément limitée. L’être humain est, par essence, un être qui pense, qui s’interroge. Alors forcément, à certains moments de la vie, confronté à des difficultés, il sera amené à se poser des questions…Deux possibilités s’offrent à lui : soit il estimera que de toutes façons il lui est impossible de trouver la réponse à ses questions et il « pensera vite à autre chose » soit il se mettra en quête de réponses, en y mettant le temps.
Le thème « donner un sens à sa vie » peut donc se conjuguer de différentes manières et reflètera la vie intérieure de chaque individualité. Pour l’être humain, le besoin de savoir est inscrit dans sa nature profonde. C’est la raison d’être de la recherche scientifique. Pourquoi cette recherche serait-elle réservée aux seuls scientifiques qui se limitent au monde matériel ? Qu’est-ce qui nous interdit d’aller au-là de cette frontière, sinon nous-mêmes ? A travers son œuvre, Rudolf Steiner nous offre, en toute liberté, d’essayer d’aller plus loin, « plus haut ». Chaque individualité a cette possibilité, il suffit de le vouloir. La littérature de Rudolf Steiner peut aujourd’hui être accessible par internet. Les personnes qui voudraient découvrir une image approfondie du Christ, peuvent lire les ouvrages d’un élève de R. Steiner, le Dr. H.E. Lauer, dont un des livres essentiels porte le titre « L’Anthroposophie et l’avenir du christianisme ». Cet ouvrage, épuisé depuis longtemps, sera, très prochainement réédité. Les internautes pourront aussi consulter un site consacré à cet auteur et à cet ouvrage : radher.free.fr
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